Le comportement au volant disséqué par un psychologue
Selon JP Assailly, psychologue et chargé d’études à l’Inrets (Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité), les accidents de la route sont la résultante d’une série de comportements individuels : « nous avons été pendant longtemps les champions du monde pour la consommation d’alcool, nous sommes aussi plus frondeurs quant au respect de certaines règles, notamment les limitations de vitesse. Enfin, les sociétés méditerranéennes se caractérisent par un comportement plus agressif au volant. »
Dans les pays protestants d’Europe du Nord, il y a un rapport à la règle nettement plus rigide. « Chez nous par exemple, l’aveu du péché se fait dans le confessionnal: entre Dieu et vous, il n’y a que le prêtre. Chez les protestants, l’aveu de ses fautes se fait au temple devant tout le monde. On a des comptes à rendre à ses semblables et pas seulement à Dieu.
La vitesse est une valeur positive chez nous. Nous avons fait le Concorde et le TGV, l’avion et le train les plus rapides du monde. La rapidité est aussi une valeur positive dans l’univers professionnel. Dès lors que l’on a fait de la vitesse une valeur sociale, il ne faut donc pas s’étonner que les gens la reproduisent au volant.
La vitesse, on ne l’évoque plus explicitement mais elle est toujours sous jacente dans les publicités : on filme une voiture avalant des kilomètres à perte de vue sur une route libre de toute circulation. Mais la diminution du nombre d’accidents passe aussi par une utilisation moindre de l’automobile. Les pays scandinaves se sont par exemple fixés pour objectif zéro mort sur les routes.
Pour y parvenir ils encouragent d’autres modes de déplacement. Mais, en France, on entretient la dépendance à la voiture : les publicités mettent en exergue sa souplesse d’utilisation, la liberté, le côté convivial. On est en famille dans sa bulle. On continue à être chez soi dans sa voiture.
En France, on est très peu tolérants par rapport aux vols, aux agressions, aux crimes En revanche on note une tolérance vis-à-vis de la violence routière. Pour preuve: les sanctions encourues par les chauffards y compris lorsqu’ils sont ivres sont très légères. C’est comme si le corps social avait trouvé dans la route une échappatoire pour évacuer sa dose de violence.
Aux Etats-Unis, c’est le contraire: on est très pointilleux sur les comportements des automobilistes, mais on peut se promener avec des armes à feu dans sa poche.
On note tout de même des progrès sur le port de la ceinture de sécurité. Là, nous atteignons des taux équivalents à ceux des pays vertueux. Car s’attacher relève de l’instinct de survie. Il y a aussi une dimension protectrice pour les siens: on attache ses enfants pour les soustraire à un danger éventuel.
La campagne en faveur de la ceinture a eu des résultats parce qu’on a joué sur l’affect. Mais plus généralement, il n’est pas sûr que la société française soit prête à progresser. Le contexte de reprise économique n’est pas très favorable. Quand ça va mieux, on achète plus de voitures. Souvent de gamme supérieure. On roule donc plus et plus vite.
Il y a aussi une dimension psychologique: lorsque le moral des ménages s’améliore, les gens ont moins peur de la mort. Ils sont désinhibés par rapport au danger. Quand une société a éliminé diverses sources de danger (guerres, épidémies), l’individu va chercher dans ses loisirs, et sur la route en particulier, les aventures que le quotidien ne lui donne plus. »
Source : http://www.liberation.fr
Mis à jour le 19 février 2020