L’écotaxe : polémique, politique et transporteurs en colère
C’est le sujet qui a fait les gros titres ces derniers jours : l’écotaxe. En France et particulièrement en Bretagne, un mouvement de contestation de grande ampleur a fait douter le gouvernement… retour sur cette taxe dont tout le monde parle et sur les raisons de la polémique.
L’écotaxe, c’est quoi ?
Déjà présente sous d’autres formes chez nos voisins allemands ou encore suisses, elle a été inscrite en 2009 dans la loi Grenelle 1 (sous la présidence de Nicolas Sarkozy) et est prévue pour début 2014. Cette taxe vise les transporteurs et sera prélevée sur les poids lourds :
- transportant des marchandises
- avec un poids supérieur à 3,5 tonnes (sauf cas particuliers : transport de personnes, camions d’entretien, transport de lait…)
- vides ou chargées
- le propriétaire travaillant en compte propre ou pour autrui
- circulant sur les routes françaises.
Pour le prélèvement, les poids lourds doivent être équipés d’un boitier GPS et des systèmes de péages sur portiques et sans barrière sont aussi en cours d’installation (certains pensent par erreur qu’il s’agit de radar de vitesse) : des logiciels permettent de repérer les points de passages des véhicules et les routes empruntées, et prennent aussi des photos des plaques d’immatriculations et du profil du camion pour éviter les éventuelles fraudes. Son coût dépendra des kilomètres parcourus par le véhicule sur le réseau routier français mais aussi de la taille et l’âge du véhicule.
Enfin, le prélèvement concernera aussi les poids lourds étrangers (les boitiers étant compatibles).
Bien que l’écotaxe soit payé par les transporteurs routiers, cette dépense pourra être ajouté aux coûts pour le client (celui qui commande la prestation de transport).
L’écotaxe doit rapporter 1,15 milliard d’euros par an, réparti entre l’Etat, les collectivités locales et la société Ecomouv’.
Les objectifs de la taxe :
- réduire le transport routier qui pollue, en augmentant son coût
- inciter les transporteur à modifier leurs comportements en faveur de modes de transports plus durables (moins d’aller-retour, de véhicules circulant vides, de poids lourds sur les départementales)
- faire payer l’usage des routes permettra de financer des infrastructures de transport (notamment ferroviaire et fluvial) et de moderniser le réseau routier.
Les routes soumises à l’écotaxe sont les routes nationales non payantes et les routes départementales (hors autoroutes) qui contournent les itinéraires payants. Cela représente 15 000 kilomètres de routes : 10 000 kilomètres de routes nationales et 5 000 kilomètres de routes départementales ou communales dans 65 départements.
Un impact conséquent sur les transporteurs et une situation particulière en Bretagne
Cette écotaxe inquiète donc au plus au point les transporteurs qui se plaignent de l’ajout d’une énième charge fixe importante et d’un impact sur les prix pour le consommateur.
Après des contestations, trois régions avaient bénéficié d’un abattement du taxe en raison de leur éloignement du reste de l’espace européen : 30% pour les routes d’Aquitaine et Midi Pyrénées et 50% pour la Bretagne.
Mais malgré cela, l’écotaxe a du mal à passer en Bretagne : l’agriculture et l’agroalimentaire représentent plus de 30% de l’activité de la région et la région est déjà en difficultés, car notamment pénalisée par sa situation géographique (loin des centres de décision, difficultés et délais long pour exporter en Europe). De plus, il n’y a pas d’autoroutes payantes dans la région donc les transporteurs seront obligés d’emprunter les routes gratuites soumises à l’écotaxe. Pour eux, elle ne pourra qu’empirer la situation et démotiver les entrepreneurs et pourrait surtout pénaliser la production du territoire par rapport aux importations et à la concurrence déloyale des pays de l’Est.
Opérations escargots, sabotages de portiques, cortèges d’animaux, étalage de marchandises sur les routes… Paysans, artisans, commerçants, ouvriers, industriels, maraichers, agriculteurs (isolés, ils n’ont généralement pas d’autres solutions que la route pour transporter leurs marchandises et se faire livrer) et routiers ont multiplié les manifestations. Des affrontements ont éclatés le dernier week end d’octobre faisant même des blessés. Les manifestants ont promis de continuer les actions jusqu’au retrait de la taxe.
Enfin, un retard non négligeable a aussi fragilisé le dispositif (par exemple, très peu de camions sont déjà été équipés, 10% environ).
Les dernières nouvelles
L’opposition demandait à ce que le Premier Ministre décale l’arrivée de cette écotaxe qui ne correspond pas aux besoins et aux attentes actuelles des transporteurs. L’appel de détresse très médiatisé de la Bretagne a sensibilisé beaucoup de Français sur le sujet et semble avoir porter ses fruits.
Ce mardi 29 octobre, Jean-Marc Ayrault a donc finalement annoncé la suspension de l’écotaxe, pour une reprise des négociations et peut être afin d’apaiser la situation explosive de ces derniers jours. Le gouvernement a cédé, et cela ne plaît pas aux membres du parti écologique qui sont déçus. De plus, cette suspension va avoir un cout : plus de 80 millions d’Euros de dédommagement pour l’entreprise privé qui devait se charger de la collecte de la taxe et de l’installation du matériel.
Sur le principe, certains apprécient le but de l’écotaxe mais aimeraient que celle-ci prenne une autre forme, ce qui éviterait de pénaliser les transporteurs déjà en difficulté et de faire payer les consommateurs. Une concertation avec l’ensemble des acteurs serait souhaitée.
Mis à jour le 14 février 2020